Les nouvelles règles de rédaction et de motivation des arrêts de la Cour de cassation :
A la fin de l’année passée, la Cour de cassation a mis en ligne des arrêts rédigés et motivés selon de nouvelles règles. Même si elles ne s’appliquent qu’aux arrêts réputés les plus importants, c’est bien une révolution qu’introduisent les nouvelles règles.

  1. Les nouvelles règles de rédaction et de motivation : une révolution !

Dans la rédaction de ses arrêts, la Cour de cassation renonce aux « attendus » et à la phrase unique pour adopter le style direct. Pour les lecteurs habituels des arrêts de la Cour de cassation, le choc est sévère. La lecture des arrêts s’en trouve, cependant, simplifiée même si cette simplicité peut faire problème à des générations de juristes formés à la gymnastique intellectuelle qu’impliquait l’ancienne rédaction.

Après un bref rappel des faits et de la procédure (I), la Cour de Cassation procède à un examen des moyens soulevés par le pourvoi (II). A chacun des moyens soulevés, la Cour apporte une réponse. Si les moyens de cassation sont cités, il n’en va pas de même de la décision d’appel attaquée qui n’est évoquée que la mesure nécessaire à la réponse au moyen soulevé. Au visa de la règle à appliquer, la Cour prend position sur le sens qu’elle estime devoir lui attribuer pour en tirer, ensuite, les conséquences dans le cas de l’espèce.

Le second changement introduit par la réforme concerne, en effet, la motivation des arrêts de la Cour de cassation.

La Cour de cassation entend, en effet, donner à ses arrêts une motivation dite en forme « développée » permettant d’appréhender tout à la fois la méthode d’interprétation appliquée et la portée de la solution retenue. Contrairement à ce qui prévalait par le passé, les solutions alternatives non retenues, mais « sérieusement discutées » en cours de délibéré seront désormais mentionnées ainsi que les raisons pour lesquelles elles ont été écartées, du moins pour les arrêts rédigés en application des nouvelles règles.

  1. Une révolution limitée aux seuls arrêts réputés les plus importants

Selon la Cour de cassation elle-même, les nouvelles règles de rédaction et de motivation de ses arrêts ne doivent s’appliquer qu’aux arrêts les plus importants concernant « au premier chef » les arrêts qui :

« –   opèrent un revirement de jurisprudence ;

–    tranchent une question de principe ou présentent un intérêt marqué pour le développement du droit,

–    procèdent à l’interprétation d’un texte nouveau ;

–    présentent un intérêt pour l’unité de la jurisprudence ;

–    mettent en jeu la garantie d’un droit fondamental ;

–    tranchent une demande de renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne ou une demande d’avis consultatif à la Cour européenne des droits de l’homme. »[1]

La liste n’est pas exhaustive.

La Cour de cassation entend donc se laisser un certain pouvoir d’appréciation dans la fixation de la frontière entre les arrêts qui continueront d’être rédigés selon les anciennes règles et ceux qui adopteront les nouveaux préceptes.

Gageons que la coexistence de ces deux modes de rédaction ne manquera pas de soulever des difficultés.

La question se posera, en effet, notamment, de savoir selon quelles règles seront rédigés les arrêts dans lesquels la Cour, sans opérer une modification de sa jurisprudence, entend seulement poser un jalon dans la perspective d’une éventuelle évolution future. Il est possible, en effet, que se constitue entre les arrêts dits « importants » soumis d’emblée aux nouvelles règles de rédaction et les autres une zone « grise » dont l’importance, sans être négligeable pour une bonne lecture de la jurisprudence de la Cour de cassation, pourrait ne pas être suffisante pour justifier l’application des nouvelles règles.

Aussi longtemps que les anciennes règles ne seront pas abolies, le commentaire d’arrêt conservera donc une certaine utilité et devrait donc encore occuper les nouvelles générations de juristes.

[1] Cf. Le dossier de presse mis en ligne sur le site de la Cour de cassation sous le titre « Le mode de rédaction des arrêts de la Cour de cassation change ».